UN MIRAGE DE L'HISTOIRE ET LE DEBUT D'UNE LEGENDE...

(la Ganrie, le 21 décembre 1793)            

Plusieurs écrits (1) rapportent l'évènement dramatique décrit ci-après qui se serait produit à La Chapelle à la Révolution :

Julien Antoine le LARDIC, seigneur de la GANRIE (parfois orthographié d'AGANRY ou de la GANRY), habite avec sa famille le château du même nom (à droite avant la Brosse, en direction de Grandchamp des Fontaines). Capitaine d'Infanterie à Nantes sous l'Ancien Régime, il se retire sur ses terres à La Chapelle lorsque débute la Révolution.

 Le 2 janvier 1794, au cours de la Terreur, Jacques Rainçais (ou Rainais ?) demeurant à la Ganrie, accompagné d'un laboureur de Sucé sur Erdre, déclare l'avoir trouvé mort "tranché de coup de sabre" puis l'avoir enterré dans la prairie de la Ganrie le 21 décembre 1793. Julien Antoine le Lardic avait 48 ans (voir l'acte de décès ci-dessous).  

(source : ADLA - Archives Départementales de Loire-Atlantique - Registre d'Etat Civil D An II -   http://archives.loire-atlantique.fr/jcms/chercher/archives-numerisees-fr-c_5562)

A priori, il n'y a pas lieu de suspecter l'identité du décédé : Julien Antoine le LARDIC a été identifié notamment par l'un des habitants de la Ganry.

L'acte de décès est néanmoins troublant : la déclaration officielle est faite douze jours après le constat du décès ; Le corps a été enterré à la hâte dans une prairie ; L'indication du type de blessure laisse entendre qu'il est sérieusement mutilé, à peine reconnaissable.

De plus, , Julien Antoine le LARDIC, seigneur de la Ganrie, ne semble pas avoir été inhumé dans le cimetière entourant alors l'église, une fois la tourmente révolutionnaire passée (il le sera bien plus tard, dans d'autres circonstances).    

Julien Antoine le LARDIC n'aurait-il pas tenté de 'disparaitre' avant de se cacher ?

 

Né en 1744, il s'est marié en 1778 avec Marie Anne du PAS de la MANCELLIERE ; Quatre enfants du couple sont nés à La Chapelle : Julien Léon Prudent en 1780, Pierre Philippe Constant en 84, Ambroise Marie en 1789 (date à laquelle son père est Chevalier de l'Ordre de St Louis) et Emilie Joséphine Angélique (non pas Eulalie) en 1791. 

On ne dispose pas d'infos sur la famille au cours des années suivant l'épisode relaté ci-dessus, mais le 20 avril 1814, leur fille Ambroise se marie à La Chapelle sur Erdre avec Martin Constant Tendre Fidel ERTAULT de la BRETONNIERE ; Et l'acte de mariage ci-dessous précise qu'elle habite avec ses père et mère à la Ganry et que son père, Chevalier de l'Ordre royal militaire de St Louis, ancien capitaine d'infanterie, est "présent et consentant" !

(source : ADLA - Archives Départementales de Loire-Atlantique - Registre d'Etat Civil M 1814 -  http://archives.loire-atlantique.fr/jcms/chercher/archives-numerisees-fr-c_5562)

 Quand leur seconde fille Emilie se marie le 6 septembre 1825 à La Chapelle sur Erdre avec François Joseph du TREHAN, elle demeure alors avec sa mère à la Ganry. Son père, Julien Antoine le LARDIC de la GANRY, colonel d'infanterie, est décédé à Nantes le 23 mars 1821 !

(source : ADLA - Archives Départementales de Loire-Atlantique - Registre d'Etat Civil M 1825 - http://archives.loire-atlantique.fr/jcms/chercher/archives-numerisees-fr-c_5562)

 Note : le château est resté propriété de la famille le LARDIC, Julien Antoine n'ayant pas émigré ; S'il a pu (?) être dévasté pendant la Révolution, il est semble-t-il redevenu habitable au moins entre les dates de mariage de leurs filles (entre 1814 et 1825)  

Et effectivement, les archives de Nantes contiennent la déclaration de décès, pour 'la seconde fois' le 23 mars 1821, à 76 ans, de Julien Antoine le LARDIC. L'acte rapporté ci-après mentionne comme témoin son gendre Martin Constant Tendre Fidèle ERTAULT de la BRETONNIERE.

(source : Archives de Nantes - Registre d'Etat Civil 1E 472 - http://www.archives.nantes.fr)

Et son inhumation a eu lieu le lendemain 24 mars 1821 à La Chapelle sur Erdre (cf Registre paroissial ci-après).

 

Ainsi est-il quasi certain que 'l'assassinat' en 1793 de Julien Antoine le LARDIC de la GANRY a été mis en scène !

 

Se posent alors de nouvelles questions :

- quelle était la véritable motivation de cette 'disparition' ?

- quelle était l'identité de la personne dont le corps a été "tranché de coup de sabre" ? Ce corps a-t-il été ensuite enterré dans le cimetière paroissial entourant l'église ?

- quel pacte avait été passé entre le seigneur de la Ganry et les deux témoins ayant déclaré son décès à La Chapelle ?

- quand est 'réapparu' à La Chapelle Julien Antoine le LARDIC de la GANRY ? A la fin de la Terreur, seulement au mariage de sa fille en 1814 ? Par ailleurs, l'Etat civil n'a pas été corrigé : pourquoi ? 

Les éléments de réponse restent à ce jour à découvrir !

 

 

 (1) : La Chapelle-sur-Erdre - Un peu d'histoire (Notes recueillies par les Jeunes Filles dans les années 1950-1957' p2 ; 'L'écume de la Révolution' de T.Busson - non daté - p77-80 et 'Chez nous...Le Bourg' - édité par l'association Au Pas des Siècles en 2004 - p18